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Marché des grains Le blé s’accroche, l’orge décroche

Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des céréales, oléagineux et protéagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.

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Le colza repart à la hausse et le blé grimpe, poussant le maïs vers le haut. L’orge, au contraire, s’affaisse au moment où l’Arabie arrive sur le marché pour des volumes jugés faibles.

Explosion des prix argentins

Les prix du blé, malgré quelques soubresauts, restent encore orientés à la hausse cette semaine. Ils ont gagné 2,5 €/t à Rouen et La Pallice (à 192 et 191 €/t respectivement, base juillet) et 3 €/t sur Euronext à la mi-journée ce vendredi.

 

Le dynamisme de la demande mondiale a soutenu les prix : l’Algérie vient d’acheter cette semaine entre 400 000 et 450 000 tonnes de blé tendre à un prix de 245 $/t à destination, soit une hausse de 17 $/t par rapport au prix du dernier achat (en décembre). La probabilité est forte qu’une large part de cet achat soit servie par des blés européens, français notamment. Ces derniers sont effectivement nettement moins chers que les blés argentins à destination de l’Afrique du Nord.

 

Les blés argentins ont vu leur prix s’envoler cette semaine et leurs cotations deviennent rares sur les échéances rapprochées. En effet, les ventes en direction de l’Asie ont été importantes et cela vient limiter les disponibilités qui pourront être exportées ailleurs. D’autre part, les associations rurales menacent de bloquer leurs ventes si le gouvernement accroît encore, comme il l’a annoncé pour le 31 janvier, les taxes à l’exportation. Enfin, face à la hausse des prix sur le marché intérieur, les opérateurs craignent des mesures interventionnistes de la part du gouvernement. Celles-ci pourraient prendre la forme d’une obligation pour les exportateurs de revendre à l’intérieur une partie des blés achetés pour l’exportation. Faisant suite à cette conjoncture, les prix argentins s’envolent et cela contribue à la hausse des prix en Europe.

L’Iran et la politique russe soutiennent les prix du blé

L’Iran continue ses achats : sa demande pousse les prix russes à la hausse (ils ont gagné 6 $/t en une semaine, à 231 $/t) et l’ensemble des prix mondiaux. Les discussions entre le gouvernement et les opérateurs au sujet d’un éventuel plafond russe à l’exportation pour la seconde moitié de campagne ont avancé ; la probabilité de la mise en place de cette mesure semble de plus en plus forte. C’est le moyen que le gouvernement a choisi pour répondre aux opérateurs qui réclamaient une plus grande transparence et des règles connues à l’avance. Le plafond avancé pour les exportations du premier semestre de 2020 ne semble toutefois pas limitant. Il pousse néanmoins les prix mer Noire vers le haut car il met en lumière le bas niveau des stocks de cette région.

 

En France enfin, les grèves inquiètent encore : les exportations sont restées importantes ces dernières semaines, avec un basculement de certains achats vers l’Allemagne et les pays baltes où l’activité à l’exportation a été très intense. Avec la reprise du trafic ferroviaire, l’approvisionnement des ports et des usines peut reprendre doucement mais la poursuite de la grève du personnel portuaire inquiète. S’il durait, le mouvement social pourrait peser sur les prix.

L’orge fourragère décroche

Contrairement au mouvement du début de janvier, les orges fourragères n’ont pas suivi le blé cette semaine et voient leur prix abandonner 3 €/t à Rouen (à 162,5 €/t, base juillet).

 

L’Arabie vient pourtant de lancer un appel d’offres pour 900 000 tonnes d’orge pour livraison en mars ou avril. Mais le volume recherché est jugé faible par les opérateurs. Peut-être que la prévision des importations de ce pays devra être revue à la baisse.

 

Faisant suite à l’affaissement de leur prix Fob, les orges françaises se retrouvent maintenant à parité avec les orges russes. Cela pourrait être de bon augure pour répondre à la demande saoudienne mais la compétition va demeurer très serrée entre l’UE et la mer Noire car les disponibilités sont encore élevées en Russie.

 

Statu quo sur le segment brassicole, sauf pour les orges de printemps de la récolte de 2019 qui gagnent 1 €/t cette semaine, à 163 €/t Fob Creil (base juillet). Malgré tout, la prime entre le prix des orges brassicoles et fourragères reste très aplatie en raison des surplus qui se dessinent en fin de campagne pour les orges brassicoles européennes.

Le maïs français poussé par les maïs ukrainiens et sud-américains

Le maïs s’est apprécié cette semaine sur le marché français : il a gagné 2 €/t Fob Rhin et 1 €/t sur la façade atlantique (à 172 €/t et 170,25 €/t respectivement, base juillet).

 

Le maïs est soutenu par l’amélioration de sa compétitivité face au blé. Il est soutenu aussi par le marché mondial : les prix US et ukrainiens se sont élevés de 5 $/t alors que le maïs argentin gagnait 9 $/t. À cette hausse marquée en Argentine, s’ajoute la situation brésilienne qui inquiète les opérateurs : il continue de faire sec dans les zones de production de la première récolte au Brésil (celle qui arrivera pendant le printemps de l’hémisphère Nord). Rien n’est joué encore à ce stade mais ce phénomène vient s’ajouter à des stocks très bas dans ce pays après plusieurs mois d’exportations records.

 

Aux USA, ce sont des problèmes qualitatifs qui troublent le marché ; en conséquence, les acheteurs asiatiques se tournent plus que prévu vers les maïs ukrainiens et argentins (ce qui se reporte, via les importations, sur les prix européens). L’accord commercial signé la semaine dernière entre la Chine et les USA a laissé espérer des ventes de maïs américain aux Chinois. Néanmoins, le fait que la Chine puisse prendre ses décisions en fonction des conditions de marché ne rend pas du tout certain ces achats à court terme.

Le colza reprend de la vigueur

Après une semaine de dégringolade, le colza en France a retrouvé le chemin de la hausse. Le prix grimpe de 5 €/t en Fob Moselle, de 8 €/t en rendu Rouen, et de 3 €/t sur Euronext.

 

Cela fait suite à des achats dynamiques, face à une offre qui se raréfie. D’une part, les marges de trituration sont toujours attractives, ce qui pousse les industriels à assurer leur approvisionnement en graines. D’autre part, l’offre disponible commence à s’étioler. Dans l’UE, les stocks sont en nette baisse. En France, les stocks à la fin de décembre 2019 étaient en chute de 25 % par rapport à l’an dernier.

 

Les disponibilités exportables ukrainiennes sont désormais épuisées, et celles de l’Australie sont en grande partie monopolisées par la Chine, qui les préfère aux canadiennes en raison d’un conflit diplomatique. Le procès concernant la demande d’extradition vers les États-Unis d’une dirigeante de Huawei, arrêtée en décembre 2018, a démarré au début de la semaine. Les résultats de ces premières audiences pourraient entraîner une forte volatilité des prix (une libération de la dirigeante pourrait faire espérer aux exportateurs canadiens un retour possible sur le marché chinois). Les offres canadiennes sont toujours très attractives pour les acheteurs européens. Néanmoins, les chargements sont actuellement ralentis par les difficultés d’acheminement liées aux conditions climatiques extrêmes de l’hiver.

 

Cette hausse du prix du colza est d’autant plus remarquable que le contexte mondial était plutôt baissier cette semaine. Le canola canadien a reculé à la suite du soja US (de –5 à –6 $/t cette semaine). Le prix du pétrole a reculé de 5 % sur la semaine, en raison d’une forte hausse des stocks de brut aux États-Unis sur les deux dernières semaines. Le prix des huiles végétales est aussi en recul (de –5 à –15 $/t selon les huiles), subissant toujours l’impact du refroidissement des relations entre l’Inde et la Malaisie. Cette dernière, ayant pris position contre le changement de régime politique dans la région du Cachemire, subit des mesures de représailles du gouvernement indien, qui a interdit l’achat d’huile de palme malaisienne aux importateurs. Ainsi, certains chargements qui avaient quitté les ports malaisiens juste avant la mise en place de cette mesure se trouvent actuellement bloqués dans les ports indiens.

Le tournesol profite aussi d’un rebond

Avec une bonne demande en huile de tournesol sur le marché européen et mondial, et des marges de trituration toujours attractives, la demande en tournesol ne faiblit pas. Ainsi la graine oléagineuse voit son prix augmenter de 2,5 €/t cette semaine. Les prix dans la zone de la mer Noire se stabilisent au niveau très élevé de 410 $/t Fob (+26 % par rapport aux prix de la mi-septembre). La récente hausse des prix de la zone de la mer Noire a mis un frein aux importations européennes de tournesol, d’autant plus que les stocks se situent à un niveau.

Le soja continue de reculer

Les cours du soja sur le marché de Chicago sont en baisse cette semaine, perdant entre 5 et 6 $/t. Le début des récoltes au Brésil a pesé sur les prix. Les premiers rendements s’avèrent plutôt bons, voire meilleurs qu’attendu. Même si seuls des volumes limités sont concernés pour le moment, l’espoir des exportateurs US de pouvoir vendre des chargements conséquents à la Chine sur les prochains mois est limité. En effet, l’accord commercial signé le 15 janvier n’engage pas réellement la Chine à augmenter ses achats de soja. Son engagement reste flou en cas de conditions de marché défavorables. Les offres sud-américaines sont actuellement très compétitives, ce qui entraîne à la baisse le prix US.

 

Le tourteau de soja à Chicago recule à la suite du protéagineux (–2 $/t) tandis que son prix est stable à Montoir.

 

Le prix du pois rebondit cette semaine de 7 €/t départ Marne, à 220 €/t avec une demande des fabricants d’aliments qui reste régulière, et des stocks qui diminuent progressivement. Les stocks français à la fin de décembre étaient en recul de 10 % par rapport à l’an passé.

 

À suivre : suite des grèves en France, résultat de l’appel d’offres de l’Arabie en orge, compétition entre le blé, le maïs et l’orge en alimentation animale, évolution des prix russes et argentins en blé, climat en Amérique latine (soja), importations de colza de l’UE, conditions météorologiques en Europe et dans la zone de la mer Noire (colza), importations d’huiles de l’Inde et de la Chine, épidémie de fièvre africaine porcine (Asie, Europe).

 

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